Les fantasmes sortent du placard

En février dernier était publié un sondage sur les fantasmes des Français.e.s. Un univers parallèle que connaît bien la comédienne Julia Palombe, qui, depuis 2023, fait monter nos fantasmes sur scène avec son spectacle "Fantasy". Vous ne rêvez pas, vous êtes bien sur Zézette.

Julia Palombe, la comédienne qui fait monter nos fantasmes sur scène

En 2016, la comédienne et performeuse Julia Palombe publiait Au lit citoyens ! Le manifeste contre la mal-baise pour libérer la parole autour de la sexualité. Depuis 2023, elle interprète son spectacle Fantasy où elle invite le public à partager ses fantasmes de manière anonyme pour les jouer sur scène. Zézette est allé.e à sa rencontre pour en savoir plus.   

Comment vous est venue l'idée d'interpréter les fantasmes des Françaises et des Français sur scène avec votre spectacle Fantasy ?

Julia Palombe : J’explore depuis toujours le plaisir et le désir qui sont pour moi des tremplins vers la liberté. Mais je trouvais que la manière dont on abordait le sujet des fantasmes dans les médias était souvent très clichée. J’étais persuadée que l’on pouvait aller plus loin. Et c’est ce que permet la scène car elle nous déconnecte du réel. 

Comment se déroule le spectacle ?

Les spectateurs et les spectatrices sont invités à l’entrée à écrire leurs fantasmes de façon anonyme sur des bouts de papiers. Sur scène, j’apparais dans une tenue totalement abracadabrante avec des ailes, des cornes et du brillant partout afin de tout de suite plonger le public dans un songe. Puis je pose le cadre en rappelant que l’on n’est pas là pour juger de la qualité des fantasmes mais pour partager des imaginaires et pour rêver ensemble. Pour interpréter les fantasmes que je tire au sort, je dispose d’accessoires, de costumes et même d’un ukulele pour apporter une touche musicale. Depuis 2023, j’ai joué ce spectacle une cinquantaine de fois et je suis toujours surprise par la richesse et la diversité des fantasmes qui sont partagés et qui mêlent aussi bien le romantisme et la poésie que des univers plus trash. Je trouve intéressant que tout se mélange. 

Quels sont les fantasmes les plus fréquents ?

Le sexe à plusieurs revient systématiquement, de même que les fantasmes en pleine nature. L’idée d’aller sur une autre planète est également fréquemment évoquée, avec parfois l’envie de découvrir le sexe avec un.e extra-terrestre. J’ai aussi des gens qui expriment leur désir de faire l’amour avec une personne handicapée. Un jour j’ai interprété un fantasme dans lequel la scène se déroulait dans l’herbe et les ronces. Il peut aussi y avoir des fantasmes interdits comme la zoophilie, même si le but est sans doute aussi de rire, ou bien faire l’amour avec un mineur. C’est l’occasion de rappeler que si l’on n’est pas totalement maître de nos fantasmes, du fait de leurs racines inconscientes, on est par contre responsables de ce que l’on en fait. Et puis, confier ses fantasmes, cela ne signifie pas s'engager à les réaliser. C’est comme partager une étincelle de vie. C’est de la poésie. On n'est pas dans le registre lourd du secret de famille. 

Le plaisir passe-t-il nécessairement par la sexualité ?

Je ne suis absolument pas dans cette injonction. Il y a plein de façons d’éprouver du plaisir. Je me souviens par exemple de Soeur Emmanuelle interrogée sur la jouissance chez Ardisson et qui évoquait celle ressentie par ses pieds nus dans le sable…

Rencontrez-vous des difficultés pour trouver des salles où jouer votre spectacle ?

Oui, alors même qu’aujourd’hui les théâtres n’hésitent plus à programmer des cabarets burlesques. Le sujet fait peur. Certaines salles ne me veulent pas depuis le début comme à Rouen. A Paris aussi c’est compliqué. Les directeurs de théâtre craignent que cela déborde, alors que le seul but est de parler. J’observe en revanche que c’est plus facile dans le sud. 

Justement, la sexualité n'a jamais été aussi présente dans les médias mais c'est un sujet qu'il reste difficile à aborder dans la vie courante. Selon le philosophe Guillaume Durand, auteur de Sexe et tabous, l'essentiel des tabous restent aujourd'hui liés à la sexualité. Est-ce la vocation de votre spectacle de déverrouiller la parole ?

Si je fais ce spectacle, c’est avant tout parce que j’en ai envie et que ça me fait plaisir. J’ai une obsession pour la liberté et le désir est une expression de la liberté. Qu’une femme parle librement de sexualité continue à faire peur. Elle risque d’en entraîner d’autres et certains ne voient pas ça d’un très bon œil. Or, si l’on maintient le silence sur ce sujet, cela conduit au pire. 

Alexandra Kollontaï, féministe russe qui a vécu entre le XIXe et le XXe siècle, considérait que le sexe devrait être aussi simple que boire un verre d’eau. A la même période, en 1922 à Moscou, des hommes et des femmes ont manifesté nus.es en scandant « amour, amour, à bas la honte ! ». Le fait que le sexe puisse être considéré comme un besoin physiologique qu’il faut satisfaire aussi simplement que la soif et la faim est donc une pensée qui n'est pas nouvelle mais qui a encore du mal à s'imposer. Est-ce le sens de votre livre Au lit citoyens ! Le manifeste contre la société de la mal-baise

Je pense que de même qu’il faut lutter contre la malbouffe qui abîme le corps, il convient de lutter également contre la mal-baise. Et cela commence tout simplement par en parler…

Dans un sondage publié en février dernier sur les fantasmes des Français et des Françaises, il ressort que nous avons des fantasmes assez standardisés…  

L’imaginaire n’a pas de limites. Et nous sommes les propres scénaristes de nos fantasmes. Les rabbins recommandent d’être précis lorsqu’on a un souhait. C’est la même chose avec les fantasmes. Il faut oser en dérouler le scénario. Dans l’herbe… Très bien, mais quelle herbe ? Est-ce qu’elle est tondue ? Est-ce qu’elle est haute ? Est-ce qu’il y a de la boue ? Cela permet de reconnecter avec sa sensualité alors que notre éducation ignore le corps. Et si l’on ne connecte pas avec son corps dès l’enfance, et je ne parle pas ici de sexualité, c’est forcément plus compliqué à l’âge adulte.

Dans ce même sondage, il apparaît que les hommes fantasment plus que les femmes. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Je ne pense pas que les femmes fantasment moins que les hommes. Je dirais plutôt qu’elles fantasment différemment. Là où les hommes vont passer par des images très nettes, le fantasme féminin va comporter d’autres ingrédients comme les odeurs par exemple. Cela le rend plus difficile à décrire. Et puis il faut avoir conscience que le désir des femmes reste encore aujourd’hui difficilement avouable. J’ai eu l’occasion dans un festival de jouer le spectacle exclusivement devant des femmes. Et j’ai eu le sentiment qu’elles se sentaient plus libres de s’exprimer alors même que c’est anonyme. La femme reste prise en étau entre la mère et l’amante, alors que toutes ces facettes sont cumulables.  

Quelle est l’ambiance à la fin de votre spectacle ? 

Cela crée de la discussion. Certaines personnes qui ne se connaissent pas vont boire un verre. D'autres rentrent chez elles excitées et parfois m'envoient des messages pour me raconter leur nuit. Comme quoi un simple spectacle de 1h30 permet de décoincer nos imaginaires. C'est la preuve que parler librement de désir et de plaisir n'est pas aussi insurmontable qu'il n'y paraît ! Je crois beaucoup en l'effet miroir. C’est en montrant la liberté plus qu'en la déclarant que l'on a une chance d’inspirer.  

Et vous, pouvez-vous nous partager l'un de vos fantasmes ?

Je fantasme d’un dîner champêtre entre amis avec des bougies, sur fond de jazz ou de musique baroque, en plein air ou bien au coin du feu si on est en hiver, et au cours duquel on déguste autant qu'on se déguste. Ce serait un dîner qui ferait le lien entre gastronomie et sensualité. Quelque chose de fluide, avec une liberté absolue de quitter la table si on en a l’envie. Au cours de ce dîner, nous deviendrons nous-mêmes le menu. A la fin, nous serions tous un peu plus ami.e.s. Nous aurions juste partagé un repas incroyable et divin... On pourrait appeler ça pourquoi pas une “palomberie” ! 

Infos pratiques : “Fantasy” le vendredi 18 avril à 20 h à Layama à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Les prochaines dates du spectacle sont à retrouver sur juliapalombe.com

Propos recueillis par Hector Melville

Le sondage qui révèle les fantasmes des Français.e.s

Selon un sondage réalisé par Discurv et publié en février dernier, les plages désertes, les piscines/jacuzzis, et la voiture seraient les trois lieux qui feraient le plus fantasmer les Français.e.s. Pour découvrir les autres, il suffit d’un clic.

A voir sur Arte.tv : Post-porn, le porno qui nous réapprend à fantasmer

Des générations entières se sont éduquées à la sexualité via la pornographie mainstream. Si bien qu’aujourd’hui on ne sait plus très bien qui est à l’origine de nos désirs : nous, ou les plateformes ? À l’heure où nos fantasmes sont nourris par des algorithmes, transformés en tags et classés par popularité, peut-on encore reprendre la main ? Le mouvement post-porn veut créer une pornographie à l’image de la vraie sexualité : fun, consentie, meilleure pour tout le monde. L’émission d’Arte “Tracks” a rencontré celles et ceux qui veulent que l’on kiffe tous ensemble autrement. Et rêvent ainsi de changer le monde.

Du 10 au 14 juillet, rejoignez le stage “Ecrire Eros”

Éros, : la force vitale, le désir, la joie. Ecriture érotique, sextos poétiques, haïkus qui deviennent “haïculs”… Du 10 au 14 juillet, la poétesse Samuela Burzio, fondatrice de l’école de poésie Epoé, organise le stage “Ecrire Eros” à Boissise-le-Roi en Seine-et-Marne. L’occasion d’explorer le sujet du désir à travers la littérature et de prendre la plume sur nos sensualités et nos sexualités de manière ludique et créative. Tarifs : à partir de 410 €. Limité à 10 participant.e.s. Inscription ici

Mais pourquoi donc Zézette ?

Tout simplement (attention scoop…) parce qu’en 2025, il n’existe toujours pas de média consacré à la sexualité, et ce bien qu’il s’agisse de l’un des rares sujets au monde qui nous concerne tous. On trouve pourtant des journaux sur à peu près tout. Les camping-caristes ont ainsi leur magazine, Camping-car Magazine, depuis 1978, et les mostrophilistes (c’est comme cela que se font appeler les collectionneurs de montres) peuvent feuilleter Montres magazine depuis près de 30 ans.

Même si le sujet s’est fait une place dans les médias ces dernières années et que des voix de plus en en plus nombreuses se font entendre, la sexualité reste désespérément vierge de toute publication (en dehors des seules revues médicales qui lui sont consacrées...).

Puisque, dixit Oscar Wilde, « tout dans le monde est une question de sexe, sauf le sexe qui est une question de pouvoir », l'enjeu est de parvenir à parler sexualité sans honte comme de n’importe quel autre sujet. Car il s’agit bien d’explorer toutes ses facettes, notamment pour décortiquer les rapports de domination entre hommes et femmes.

C'est la raison d'être de Zézette, 1er média indépendant 100 % dédié à la sexualité avec pour but d’en faire un sujet de conversation que l’on ne se sent plus gêné d’aborder. Le principe : une newsletter envoyée au moins deux dimanches par mois, et plus si affinités…

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Zézette, le 1er média 100% dédié à la sexualité

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