Ça changerait quoi si les hommes se mettaient au jeûne et au yoga ?

Jeûne, yoga, ces deux mots restent encore largement absents du vocabulaire masculin. Deux pratiques qui pourtant garantissent un mieux-être autant pour soi que dans sa relation avec les autres. Alors, ça changerait quoi si plus d'hommes s'y mettaient ?

“Le jeûne est une démarche militante pour apprendre à mieux manger et à mieux vivre ensemble”

Il a co-créé un centre de jeûne et de yoga dans la Nièvre. Et force est de constater que les hommes y restent encore très minoritaires. Zézette s’est entretenue avec Cyrille Couvenant pour mieux comprendre l’intérêt de ces pratiques.

Depuis quand pratiquez-vous le yoga et le jeûne et quelle vision en aviez-vous avant ? 

Cyrille Couvenant : Je pratique le yoga et le jeûne depuis une dizaine d’années maintenant. Avant cela, ces pratiques ne faisaient tout simplement pas partie de mon univers. Pourtant, mon corps était déjà mon outil de travail. J’ai joué au foot en National 2 et je m’entraînais 6 jours sur 7. Dès l’âge de 18 ans, j’ai donc commencé à m’intéresser à l’alimentation et aux bienfaits des temps de repos. Mais le yoga et le jeûne, ce n’était tout simplement pas pour moi. J’étais dans les codes de ce qu’on attend d’un homme, c’est-à-dire quelqu’un qui ne pleure pas et qui n’accorde pas de place à la sensibilité, aux émotions et à l’introspection.

Comment s’est faite la rencontre avec le yoga ?

C’était en 2009. J’avais 36 ans. A l’époque, je traversais une nouvelle rupture après avoir divorcé en 2006. Face à ces bouleversements, j’ai ressenti le besoin de trouver des repères intérieurs. Or il y avait une professeure des écoles qui le soir proposait des cours de yoga là où j’habitais dans le Morvan. Dès le premier cours, j’ai ressenti de l’apaisement. J’ai donc eu envie de renouveler l’expérience et j’ai commencé à y aller régulièrement. Je me rendais compte que j’étais capable de trouver de la sérénité en moi, et qu’il était vain de vouloir à tout prix tout contrôler dans sa vie. En 2010, j’ai fait une rencontre marquante avec Maurice Daubard, un prof de yoga connu notamment pour ses stages d’exposition volontaire au froid. Il avait 80 ans et dégageait une grande force et une joie intense. Quelques mois plus tard, j’ai participé à l’un de ses stages à 1 800 mètres d’altitude en Italie. L’un des participants avait ouvert un centre de jeûne dans la Drôme. Je l’ai beaucoup questionné. En l’écoutant, j’ai compris que c’était quelque chose d’accessible à tous et je me suis donc inscrit à mon premier stage de jeûne en 2011. 

Comment l’avez-vous vécu ?

Ce fut une révélation. Cela m’a permis de trouver des ressources intérieures jusque-là insoupçonnées alors qu’avant je me disais qu’il était absolument impossible de ne pas manger. Un an plus tard, je vis une nouvelle rupture. A nouveau, le monde autour de moi s’effondre. Cette femme qui s’en va avec un bébé de trois mois dans le ventre… Je ne savais plus où j’habitais. Mon réflexe a été de me dire “Je dois jeûner !”. Ce que j’ai fait pendant une semaine. J’ai pu ainsi prendre du recul et repenser aux années passées, à tous ces efforts pour surmonter les crises, au fait que je m’étais sans cesse battu pour que cette relation soit la bonne, pour que ça marche… Grâce au jeûne, j’ai compris qu’il fallait que j’accepte la fin de cette histoire, qu’il y avait d’autres voies pour moi. Jeûner m’a apporté de la clairvoyance. 

Comment l’expliquez-vous ? 

Lorsqu’on n’a pas recours à l’alimentation pour apaiser ses émotions, on doit trouver d’autres ressources. La nourriture peut avoir un effet anesthésiant. Elle a cette capacité à faire taire nos émotions quand bien même celles-ci ont quelque chose à nous dire. A l’inverse, lorsqu’on se passe de manger, on va ouvrir un dialogue avec elles qui va nous permettre de porter un autre regard sur notre environnement et trouver du mieux-être. 

Diriez-vous que le jeûne est une source d’empouvoirement…

Oui car il permet de trouver les ressources en soi pour gagner en stabilité et en sérénité. Quand on est novice, on pense que le jeûne est un challenge physique. Mais on s’aperçoit très vite que le corps sait jeûner. C’est pour ça d’ailleurs que notre communauté humaine a réussi à traverser les millénaires. La vraie aventure du jeûne est plus psychique que physique. A mesure que l’on fait ce genre d’expérience, on devient de plus en plus confiant pour gérer ce qui se présente à nous dans la vie. 

Après vous être formé en tant que prof de yoga et pour encadrer des stages de jeûne, vous avez décidé d’ouvrir en 2020 avec votre compagne un centre de yoga et de jeûne dans la Nièvre, le Crapaud Sonneur…

Nous faisons partie de la centaine de centres labellisés par la Fédération française de jeûne et randonnée. Il faut savoir que contrairement à l’Allemagne, les vertus thérapeutiques du jeûne ne sont pas reconnues en France bien qu’elles soient établies scientifiquement. Le jeûne permet d’activer les fonctions curatives du corps ainsi que les processus de régénération. Il favorise la détox. C’est pourquoi il y a cinq ans, des médecins français ont décidé de créer l’Académie médicale du jeûne dont nous sommes partenaires. Dans un système social qui a besoin de faire des économies, le jeûne est une solution qui peut permettre de prendre soin de sa santé et d’agir en prévention. En Allemagne, il est d’ailleurs remboursé par la sécurité sociale. Je n’ai aucun doute que ce sera le cas un jour ici. 

Quel est le pourcentage d'hommes qui fréquentent le Crapaud Sonneur ? 

Nos stagiaires sont à 80 % des femmes. Et sur les 20 % d’hommes, 10 % viennent pour accompagner leur femme. Seuls 10 % s’inscrivent d’eux-mêmes. 

Comment expliquez-vous ce manque d'intérêt des hommes ? 

Dans notre société occidentale, l’homme se doit d’être fort. On ne l’incite pas à être à l’écoute de ses émotions. Cela peut conduire à des dépressions, voire à des burn out. Mais ces schémas sont difficiles à remettre en question, quand bien même ils s’avèrent toxiques. Et puis le rapport au corps est totalement différent entre les hommes et les femmes. Les femmes ont beaucoup plus l’habitude de prendre soin d’elles. Et le jeûne constitue justement un acte d’amour pour soi. 

En septembre, vous organisez un premier stage de jeûne ouvert exclusivement aux hommes. Pourquoi ? 

C’est une proposition que je n’ai pas vue dans d’autres centres et c’est un pari. Mais je suis convaincu que cela répond à un besoin. Contrairement aux femmes, les hommes n’ont pas forcément le réflexe de se retrouver pour parler d’eux-mêmes. Et c’est ce que permet le fait de partager une expérience comme le jeûne.   

Quand on est un homme, on va plus facilement se muscler les biceps à la salle de gym que muscler son mental…

C’est tout à fait ça. Ne pas manger, c’est stressant pour le mental mais on va trouver les ressources pour s’adapter heure après heure, jour après jour. Avec le jeûne, on muscle sa capacité d’adaptation. Et c’est ce qui nous tient à coeur au Crapaud Sonneur à travers les activités que l’on propose. Quand on jeûne ou qu’on pratique le yoga, on est centré sur le moment présent. Or plus on parvient à être au présent, plus on devient acteur de sa vie.   

Selon vous, cela changerait quoi si les hommes pratiquaient davantage le yoga et le jeûne ? 

C’est une grande et belle question. Je pense que l’on vivrait dans un monde plus doux, plus harmonieux, où les hommes et les femmes seraient plus à l’écoute les uns des autres mais aussi plus à l’écoute d’eux-mêmes. Le yoga comme le jeûne nous invitent à nous relier. Ils nous permettent aussi d’avoir de meilleures sensations, d’être mieux dans notre corps et notre esprit. C’est un gage de sexualité plus épanouie. 

En fait, il n’y a que des bonnes raisons à pratiquer le yoga et le jeûne…   

En effet, c’est un cercle vertueux. Si on est capable d’être à l’écoute de ses besoins, alors on risque moins d’aller jusqu’au burn out. On sera plus à même de dire stop, d’exercer son esprit critique. 

Le jeûne a donc une dimension politique… 

Oui. Je le vois comme ça. C’est une démarche militante pour apprendre à mieux manger et à mieux vivre ensemble. 

Infos pratiques : Le Crapaud Sonneur, Beaumont-Sardolles (Nièvre). Stage de jeûne Büchinger réservé aux hommes du 6 au 12 septembre. Tarif : à partir de 840 €. Tél. : 06 81 49 14 88. Plus d’infos sur lecrapaudsonneur.com et sur Instagram

Propos recueillis par Sélim Ykhlef

Mais pourquoi donc Zézette ?

Tout simplement (attention scoop…) parce qu’en 2025, il n’existe toujours pas de média consacré à la sexualité, et ce bien qu’il s’agisse de l’un des rares sujets au monde qui nous concerne tous. On trouve pourtant des journaux sur à peu près tout. Les camping-caristes ont ainsi leur magazine, Camping-car Magazine, depuis 1978, et les mostrophilistes (c’est comme cela que se font appeler les collectionneurs de montres) peuvent feuilleter Montres magazine depuis près de 30 ans.

Même si le sujet s’est fait une place dans les médias ces dernières années et que des voix de plus en en plus nombreuses se font entendre, la sexualité reste désespérément vierge de toute publication (en dehors des seules revues médicales qui lui sont consacrées...).

Puisque, dixit Oscar Wilde, « tout dans le monde est une question de sexe, sauf le sexe qui est une question de pouvoir », l'enjeu est de parvenir à parler sexualité sans honte comme de n’importe quel autre sujet. Car il s’agit bien d’explorer toutes ses facettes, notamment pour décortiquer les rapports de domination entre hommes et femmes.

C'est la raison d'être de Zézette, 1er média indépendant 100 % dédié à la sexualité avec pour but d’en faire un sujet de conversation que l’on ne se sent plus gêné d’aborder. Le principe : une newsletter envoyée au moins deux dimanches par mois, et plus si affinités…

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