Apparu au début des années 1980, le masculinisme n'a depuis cessé de se muscler en opposition au féminisme. Zézette s'est intéressée aux raisons de ce régime hyperprotéiné.
Début juillet, pour la première fois en France, un lycéen de 18 ans était arrêté à Saint-Etienne et mis en examen pour un projet d’attentat masculiniste. Quelques mois plus tôt, en janvier, le Haut Conseil à l’Egalité pointait la polarisation sociale, notamment entre les jeunes femmes et les jeunes hommes. Un phénomène qu’étudie de près la sociologue canadienne Mélissa Blais, co-autrice du livre Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui.
Expliquez-nous ce phénomène de polarisation sociale…
Mélissa Blais : Les études européennes mettent en évidence une adhésion des jeunes hommes à des idées plutôt conservatrices, alors que les jeunes femmes se disent plus enclines à porter des valeurs d’égalité et d’inclusion. Au Canada, un premier retour sur les votes des dernières élections fédérales reflète la même tendance. En même temps, un autre sondage indique que la population canadienne n’a jamais été aussi féministe. On parle de plus de 70% des jeunes femmes et de près de 50% des jeunes hommes ! En fait, les antiféminismes sont des contre-mouvements qui se déploient à chaque fois que le féminisme se fait entendre, ce qui est le cas avec #MeToo. Certains cherchent alors à défendre leurs privilèges. On peut établir un parallèle historique avec un autre groupe social qui s’est battu pour maintenir son système de domination : aux Etats-Unis, le Ku Klux Klan, affaibli à la fin des années 1940, s’est reconstitué face à l’essor du mouvement pour les droits civiques.
Qu’est-ce que le masculinisme ?
C’est le courant de l’antiféminisme le plus audible actuellement qui est fondé sur le vieux concept de la crise de la masculinité. Il naît au début des années 1980 en Occident, au sein du Mouvement des hommes, dont une frange estimait vivre dans une société désormais contrôlée par les femmes et devoir lutter pour ses droits. A partir du début des années 1990, plusieurs organisations, comme SOS Papa en France, se structurent autour des pères séparés et divorcés qui clament avoir été privés de leurs enfants par les juges aux affaires familiales, alors qu’en réalité ils demandent (encore trop souvent) la garde non pas pour s’occuper de leur progéniture, mais pour ne pas avoir à payer de pensions alimentaires. Dans les années 2000, les actions directes se multiplient : à Londres, en 2004, Fathers 4 Justice recouvre le Premier ministre britannique Tony Blair de farine violette ; à Nantes, en 2013, le militant Serge Charnay se retranche au sommet d’une grue… Depuis, le masculinisme s’affiche de manière virulente sur le Net. La manosphère regroupe différentes communautés qui se sont qualifiées elles-mêmes, tels les Incels, contraction de « Célibataires involontaires". Des coachs autoproclamés élargissent l’offre commerciale des Pick Up Artists, conseils en séduction qui existaient hors ligne, pour promettre aux jeunes de les transformer en « mâles alpha », à la fois virils et fortunés. L’un des plus connus est l’influenceur américain Andrew Tate. Mais les masculinistes ont toujours pour objectif de construire un monde où les femmes seraient soumises au désir sexuel des hommes, laisseraient leur partenaire décider de la poursuite de leur grossesse et obéiraient à leur mari… Ils veulent avoir la mainmise sur elles, leur corps, leur travail, leur vie.
Quelles sont les voies pour s’y opposer?
Je pense qu’il faut constituer un baluchon de répliques. Au niveau médiatique, il est urgent que les émissions télévisées cessent de mettre face à face des influenceurs masculinistes de TikTok et des universitaires qui ont fait des études poussées sur les rapports entre les sexes. Cela revient à accorder autant de valeur à un discours haineux et réactionnaire qu’à un discours d’analyse et de dénonciation des injustices sociales. Il faut aussi que les organisations féministes collaborent pour débusquer les masculinistes qui infiltrent le milieu associatif. Aujourd’hui, ils s’appuient sur une rhétorique si bien huilée qu’ils arrivent à convaincre les institutions de leur démarche égalitaire et obtiennent des financements. C’est le cas, par exemple, du Regroupement pour la valorisation de la paternité qui a reçu une aide de l’Etat québécois. Enfin, il faut redoubler d’efforts pour que les adultes développent une « littératie numérique », une habileté qui leur permette d’échanger avec les adolescents : comment utiliser le web? Comment remonter aux sources de l’information? Quels sont les effets pervers des réseaux sociaux ? Les parents pourraient montrer à leurs enfants comment jouer avec l’algorithme pour explorer des contenus progressistes.
Infos pratiques : Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, sous la direction de Christine Bard, Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, éd. PUF, 24€. Plus d’infos sur puf.com
Propos recueillis par Faustine Prévot
Lorsqu’il découvre l’ouvrage de John Gray “Les hommes viennent de mars, les femmes de Vénus” à la fin des années 1990, le livre n’est pas encore devenu un best-seller mondial. Pourtant, Paul Dewandre sent tout de suite qu’il va constituer un tournant dans sa vie et, il l’espère, dans la vie des autres… Raison pour laquelle il en a tiré un spectacle qui reprendra en octobre.
Quel souvenir avez-vous de la découverte du livre de John Gray Les hommes viennent de mars, les femmes de Vénus?
Paul Dewandre : Je participais à un cycle de conférences sur le leadership aux Etats-Unis. C’était en 1996. A l’époque, j’étais consultant dans le domaine de la vente directe. Lorsque j’ai vu l’intitulé, « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus », j’ai commencé par me dire que ce n’était pas pour moi. Et finalement j’ai été captivé. Mes parents se sont séparés à ma naissance et jusqu’à l’âge de 13 ans je ne l’ai pas su. Ma mère me disait que si je ne voyais pas mon père, c’est parce qu’il travaillait loin. Je me suis donc construit dans le non-dit. Du coup cette conférence m’a touché au plus profond. Quand j’en suis sorti, je me suis tout de suite dit que j’avais envie d’en faire quelque chose.
Et qu’avez-vous fait ?
J’ai commencé par acheter le livre. A l’époque, ce n’était pas encore devenu un best seller mondial. Il n’était même pas traduit en français. Puis j’ai envoyé une lettre à l’éditeur de John Gray mais personne ne m’a répondu. J’ai donc tenté une démarche plus originale en invitant 50 copains à Bruxelles à voir l’adaptation que j’avais conçue en mode conférence. J’en ai fait une vidéo que j’ai adressée à John Gray afin qu’il puisse se rendre compte de mes compétences à parler en public et du ton. Un mois après, l’un de ses collaborateurs m’a contacté et je suis retourné aux Etats-Unis pour me former. Je me suis lancé ensuite dans l’animation de séminaires pendant 10 ans à destination des couples mais aussi des entreprises sur les questions d’égalité et de parité. Ceci m’a permis de me nourrir de nombreuses anecdotes et de commencer à imaginer un spectacle. Le but était de toucher plus de monde que par le biais d’une simple conférence.
Quel était votre rapport au masculin et au féminin en 1996 ?
C’était assez flou. Ayant trois soeurs, j’ai grandi dans un environnement très féminin et avec une vision assez négative du masculin du fait de ce qu’avait vécu ma mère avec mon père. En lisant John Gray, j’ai compris que le féminin et le masculin étaient deux fonctionnements différents mais d’égale valeur. Ceci nous amène à avoir des interprétations différentes d’un même comportement. Avec le spectacle, mon idée n’était pas de délivrer des vérités mais de permettre de réfléchir à la manière de mieux se parler. Très souvent, la logique masculine consiste à apporter une solution là où le féminin aurait juste besoin d’une écoute empathique. Il s’agit donc de parvenir à se mettre à la place de l’autre pour ne pas juger.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie ?
Beaucoup de choses ! J’ai eu le sentiment d’un avant et d’un après. J’ai compris qu’il fallait apporter à l’autre ce dont il avait besoin plutôt que de lui donner ce que l’on aimerait recevoir à sa place. Ça évite les frustrations et les ressentiments. Cela suppose pour cela d’être dans l’accompagnement et dans l’écoute des besoins de l’autre, se dire qu’ils sont légitimes sans se sentir attaqué.
Quels sont vos retours les plus marquants ?
Je me souviens un jour d’une rencontre que j’ai faite dans le train d’un jeune qui m’avait reconnu. Il m’a remercié parce que ses parents, qui s'engueulaient tout le temps, étaient venus voir le spectacle lorsqu’il était ado et que cela avait permis d’apaiser leur relation, ce qui avait été bénéfique pour lui aussi. C’était le plus beau retour que je puisse espérer.
Infos pratiques : spectacle “Les hommes viennent de mars, les femmes de Vénus” du 16 octobre au 25 janvier à Bobino à Paris puis en tournée en France jusqu’au 10 avril
Propos recueillis par Renaud Charles
Tout simplement (attention scoop…) parce qu’en 2025, il n’existe toujours pas de média consacré à la sexualité, et ce bien qu’il s’agisse de l’un des rares sujets au monde qui nous concerne tous. On trouve pourtant des journaux sur à peu près tout. Les camping-caristes ont ainsi leur magazine, Camping-car Magazine, depuis 1978, et les mostrophilistes (c’est comme cela que se font appeler les collectionneurs de montres) peuvent feuilleter Montres magazine depuis près de 30 ans.
Même si le sujet s’est fait une place dans les médias ces dernières années et que des voix de plus en en plus nombreuses se font entendre, la sexualité reste désespérément vierge de toute publication (en dehors des seules revues médicales qui lui sont consacrées...).
Puisque, dixit Oscar Wilde, « tout dans le monde est une question de sexe, sauf le sexe qui est une question de pouvoir », l'enjeu est de parvenir à parler sexualité sans honte comme de n’importe quel autre sujet. Car il s’agit bien d’explorer toutes ses facettes, notamment pour décortiquer les rapports de domination entre hommes et femmes.
C'est la raison d'être de Zézette, 1er média indépendant 100 % dédié à la sexualité avec pour but d’en faire un sujet de conversation que l’on ne se sent plus gêné d’aborder. Le principe : une newsletter envoyée au moins deux dimanches par mois, et plus si affinités…
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