Même pas mâle ! Quand l'humour aide à penser une autre masculinité

De la toute nouvelle série documentaire "Viril" sur Arte, qui décortique avec sérieux sans se prendre au sérieux les codes la masculinité, au vrai-faux Musée national du patriarcat, qui fait de la domination un vestige dépassé (et du passé), Zézette s'est intéressé à celles et ceux qui misent sur l'humour pour repenser les rapports hommes-femmes.

Viril, la mini-série qui retrace sérieusement sans se prendre au sérieux l’histoire de la virilité de l’Antiquité à nos jours

Saviez-vous que la virilité était une idéologie héritée de l’Antiquité, théorisée entre autres par Aristote ? Camille Juza et Matthias Vaysse nous en disent plus à travers leur mini-série Viril, visible depuis ce 14 février sur arte.tv et que Zézette a pu visionner en avant-première.

Vous avez choisi de traiter d'un sujet sérieux, les stéréotypes de la masculinité, sans vous prendre au sérieux et avec humour. Selon vous, faut-il remettre de la légèreté dans notre manière d'aborder la sexualité ?

Camille Juza : Tout d’abord, j’aime bien rappeler que ne pas se prendre au sérieux ne signifie pas ne pas traiter les choses sérieusement. L’enjeu avec Viril était d’être capable de faire intervenir les spécialistes du sujet tout en étant accessible. Sachant que la virilité produit déjà d’elle-même une imagerie un peu ridicule, il n’était pas difficile de jouer sur l’humour. 

Comment se construit Viril ?

Tout commence en 2022 par une mini-série documentaire toujours pour Arte sur la place des femmes dans le sport. Or il s’avère que l’histoire du sport moderne est avant tout une histoire de virilité dans laquelle les femmes n’ont pas toujours été les bienvenues. Au moment de la diffusion de la série, j’ai été sidérée par le déferlement de commentaires masculinistes, en particulier sur YouTube. Les hommes qui réagissaient se sentaient menacés par des femmes musclées. J’ai donc voulu m’intéresser à cette vulnérabilité et raconter la crise de la virilité. Et j’ai découvert que depuis toujours il s’agissait d’un modèle en crise car reposant sur un modèle inatteignable générant déception et frustration. Si la virilité produit de la violence contre les femmes, elle en produit également contre les hommes. D’une certaine manière, la virilité tue les hommes.

Viril nous apprend notamment que le mythe de la virilité remonte à l'Antiquité et a notamment été théorisé par Aristote. Pourriez-vous nous en dire plus ?

La virilité naît en effet dans la Grèce antique, à Sparte, pour galvaniser les soldats en glorifiant la mort au combat dans un contexte de guerre entre les cités-états. Elle incarne un idéal de masculinité qui s’impose aux petits garçons dès leur plus jeune âge. A Sparte, on est initié à la violence dès 7 ans à travers des rituels extrêmement durs qui reposent sur des valeurs telles que le courage, l’honneur et la force. Des valeurs qui bien sûr peuvent être partagées par tous mais qui ici servent à fabriquer des soldats d’accord pour mourir. Cet esprit de dépassement, on le retrouve aussi dans les sociétés de paix. On le voit, ce sont les hommes qui se mettent le plus en danger, qui versent le plus dans la criminalité, qui se suicident le plus et qui meurent plus jeunes de maladies professionnelles. Nos sociétés capitalistes et libérales entretiennent ce phénomène en favorisant la domination des forts sur les faibles.

Selon vous, à qui profite le mythe de la virilité ?

A ceux qui détiennent le pouvoir. Aux généraux en temps de guerre et à ceux qui nous poussent à nous investir jusqu’au burn out dans le monde capitaliste. On voit que le capitalisme, quand il n’est pas régulé, est un système pyramidal qui profite à des gens très riches tirant profit de la masse des salariés. La force de cette idéologie est de nous faire croire que le pouvoir est accessible à tous.  

Votre documentaire est très rythmé et donne l’impression d’un clip. Pourquoi avoir opté pour ce traitement des images ?

Nous sommes allés puiser dans l’énorme vivier d’images qui sont diffusées chaque jour et j’avais envie de retranscrire ce sentiment de bombardement. 

Pour la philosophe Olivia Galazé, tout le problème du rapport entre les sexes vient de la binarité, là encore un héritage que nous ont légué les Grecs. Quel rôle selon vous l'information doit-elle jouer pour déconstruire cet héritage ? 

Je crois en l’éducation populaire sinon je ne ferais pas ce métier. Il faut dire, redire, dire tout le temps que nous sommes pétris de représentations, de fictions. La virilité est l’une de ces fictions. A nous d’en tirer les fils pour en déconstruire la pensée. 

Infos pratiques : “Viril, la masculinité mise à mâle” est à voir en trois épisodes sur arte.tv

Propos recueillis par Malo Charles

Un vrai-faux Musée national du patriarcat pour vraiment tourner
en dérision la domination 

Début février, l’association En avant toute(s) lançait le Musée national du patriarcat, un vrai-faux musée en ligne pour raconter la domination masculine à la manière d’un vestige du passé. Co-fondatrice et directrice générale d’En avant toute(s), Ynaée Benaben en raconte les coulisses à Zézette.

Pourquoi un vrai-faux musée en ligne du patriarcat ?

Ynaée Benaben : Nous voulions rendre compte du ridicule de certaines situations de domination en les tournant en dérision. Et ça nous plaisait d’adopter un ton décalé. Le musée porte en lui la notion d’héritage et c’est l’héritage qui conditionne les rapports de genre. Par exemple, l’une des oeuvres de ce musée virtuel représente une chaussette sale, celle qui traîne toujours juste à côté du panier de linge sale. Elle illustre bien la répartition inégalitaire des tâches entre les femmes et les hommes. Nous voulons montrer que l’inégalité se construit sur un très grand nombre de tout petits gestes qui sont ici matérialisés et encadrés comme dans un musée. C’est une manière de se rendre compte de l’espace qu’ils occupent alors qu’on a tendance à les banaliser. Même s’il est difficile de changer tout un système de valeurs, on peut toutes et tous y participer par petites touches au quotidien. Les petits actes peuvent être chargés de symboles. Grâce au Musée national du patriarcat, on se projette dans un monde où la domination n’est plus qu’un vestige. 

Que permet l'humour pour faire passer des messages ?

Avec l’humour, on touche les gens différemment, en jouant sur d’autres émotions et avec plus de légèreté. C’est épuisant d’être toujours dans des émotions négatives. Rire de la domination permet de décharger et de retrouver de l'énergie pour inventer des nouvelles manières d’agir. Et puis l’humour crée du lien.  

Ce musée se veut aussi le prolongement de votre association En avant toute(s) créée en 2013. Quelle était votre intention à l’origine ?

Lorsqu’on crée l’association il y a 12 ans, c’est-à-dire avant #MeToo, on parlait encore très peu des rapports femmes-hommes et très peu des violences de genre. A l’époque, nous avions moins de 25 ans et on voyait dans notre entourage qu’il y avait plein de secrets, de non-dits et de comportements qui posaient question. A partir de ces constats personnels, on est allées rencontrer les associations qui travaillaient sur l’égalité femmes-hommes. Elles nous ont toutes témoigné leurs difficultés pour atteindre les jeunes. Et c’est comme ça que nous avons fondé En avant toute(s), pour parler à notre génération d’amour et de relations saines. Il s’agissait notamment de changer l’imaginaire autour des violences. Encore aujourd’hui, les campagnes de sensibilisation s’appuient sur une iconographie très sombre, qui rend difficile l'identification. Pour traiter de ces sujets graves, nous voulions opter pour un ton différent en tablant sur l’humour. Cela s’est matérialisé par le lancement du site Comment on s’aime ? qui est une plateforme de sensibilisation et de réflexion autour des relations amoureuses, familiales et professionnelles. Si nous nous étions baptisés Stop violence, le message n’aurait pas porté de la même manière.

Comment allez-vous faire vivre ce vrai-faux musée du patriarcat ? 

Nous voulons que ce musée soit une oeuvre collective, que les gens s’en emparent. C’est déjà le cas sur les réseaux sociaux. Beaucoup de personnes en rient, nous disent qu’elles avaient hâte que cela existe. Je suis persuadée que nous allons recevoir beaucoup de propositions “d’oeuvres” manquantes. Notre objectif est de nourrir un questionnement collectif et de favoriser le dialogue. Tout ce qu’aujourd’hui on pense normal mérite d’être regardé en prenant du recul. Avec le musée, nous souhaitons faire le lien avec notre travail du quotidien sur Comment on s’aime ?, c’est-à-dire réfléchir à ce qu’est une relation saine, basée sur le consentement. 

Parvenez-vous à toucher les hommes ?

Oui. Nous avons de plus en plus de jeunes hommes qui sont en recherche d’autres manières de faire. Or on a beaucoup entendu ces dernières années ce qu’il ne fallait pas faire. Ils se tournent donc vers nous pour savoir comment construire des relations nouvelles sans être dans une position de domination. L’enjeu pour nous est de ne surtout pas passer pour des donneuses de leçon. On préfère poser des questions plutôt qu’apporter des réponses. Notre objectif est d’aider chacun à développer son esprit critique. C’est le principe du musée national du patriarcat. On n'explique pas ce qu’il faut penser de chaque oeuvre. Elles sont là pour que chacun et chacune s’en empare, les interprète, les transpose dans son vécu. S’interroger, c’est le premier pas pour changer. 

Infos pratiques : le Musée national du patriarcat est à visiter en ligne sur museedupatriarcat.com

Propos recueillis par Emma Sendick

Mais pourquoi donc Zézette ?

Tout simplement (attention scoop…) parce qu’en 2025, il n’existe toujours pas de média consacré à la sexualité, et ce bien qu’il s’agisse de l’un des rares sujets au monde qui nous concerne tous. On trouve pourtant des journaux sur à peu près tout. Les camping-caristes ont ainsi leur magazine, Camping-car Magazine, depuis 1978, et les mostrophilistes (c’est comme cela que se font appeler les collectionneurs de montres) peuvent feuilleter Montres magazine depuis près de 30 ans.

Même si le sujet s’est fait une place dans les médias ces dernières années et que des voix de plus en en plus nombreuses se font entendre, la sexualité reste désespérément vierge de toute publication (en dehors des seules revues médicales qui lui sont consacrées...).

Puisque, dixit Oscar Wilde, « tout dans le monde est une question de sexe, sauf le sexe qui est une question de pouvoir », l'enjeu est de parvenir à parler sexualité sans honte comme de n’importe quel autre sujet. Car il s’agit bien d’explorer toutes ses facettes, notamment pour décortiquer les rapports de domination entre hommes et femmes.

C'est la raison d'être de Zézette, 1er média indépendant 100 % dédié à la sexualité avec pour but d’en faire un sujet de conversation que l’on ne se sent plus gêné d’aborder. Le principe : une newsletter envoyée au moins deux dimanches par mois, et plus si affinités…

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Zézette, le 1er média 100% dédié à la sexualité

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