Quand vous avez débuté la radio au début des années 2000, quel était le traitement de la sexualité dans les médias ?
L’idée d’Alain Weill, qui avait racheté RMC, était de faire une émission consacrée à la sexualité en journée et non le soir comme Lovin’ Fun sur Fun Radio. Il avait été inspiré par ce qui se faisait aux Etats-Unis. Nous avons commencé en août 2001 et trois mois après, l’audience avait augmenté de 100%, ce qui venait confirmer qu’il y avait bien une demande. Si mon expérience dans la pornographie ne m’aide pas pour répondre aux questions des auditeurs et des auditrices, elle leur laisse penser que je suis capable de tout entendre. Cela crée de la confiance. On sait que l’on ne va pas se sentir jugé. Avant d’officier à la radio, j’avais vécu une expérience de 10 ans sur le Minitel avec le 36 15 Lahaie où je répondais déjà aux questions qui m’étaient posées. Car après mon passage dans le porno, je me suis beaucoup intéressée à la sexologie et à la psychanalyse. J’avais envie de comprendre mon parcours.
Qu’est-ce qui a changé en 20 ans ?
On parle beaucoup plus de sexualité et on en parle mieux. C’est particulièrement vrai ces dernières années. Les femmes se libèrent. On évoque par exemple beaucoup plus facilement le cunilingus ou les sex toys. Le plaisir prostatique n’est plus aussi tabou qu’il y a 20 ans, de même que la bisexualité. Et j’ai le sentiment que les choses vont encore s'accélérer au cours des dix prochaines années. Malgré cela, je perçois toujours la difficulté qu’ont notamment les couples à communiquer sur leur sexualité. Il s’agit pourtant d’un langage au même titre que la parole.
Se montre-t-on plus authentique à travers la sexualité ?
Pas forcément. On peut tricher aussi dans sa sexualité. Mais c’est bien plus profond parce que cela nous implique beaucoup plus. Je m’amuse toujours à dire qu’à une époque j’adorais faire l’amour avec un homme pour comprendre qui il était réellement. Pour vraiment connaître quelqu’un, il faut avoir fait l’amour avec lui. La sexualité est très révélatrice de la confiance en soi, de notre besoin de contrôle ou au contraire de notre capacité à nous offrir. Elle témoigne de notre personnalité profonde.
La sexualité ne se limite donc pas à ce qui se passe sous la couette…
Bien sûr ! Mais la sexualité est un sujet complexe car elle nous met face à nos peurs. Pour les dépasser, il faut s’autoriser à être libre. De mon expérience de vie, je pense qu’il y a très peu de gens qui ont envie d’être libres et donc qui font la recherche d’être dans leur sexualité.
Il y a une citation que l'on attribue à Oscar Wilde et qui dit ceci : “Tout dans le monde est question de sexe. Sauf le sexe. Le sexe est une question de pouvoir.” Dans votre livre Le bûcher des sexes vous dites la même chose, que nous sommes enfermés dans des luttes de pouvoir qui durent depuis trop longtemps et dont nous sommes tous responsables. Comment selon vous passer de la lutte à la conversation ?
En astrologie, la maison de la sexualité est aussi celle du pouvoir et de la mort, au sens ici de la métamorphose. On peut se servir de la sexualité pour accroître son pouvoir. Mais, comme je le disais juste avant, on peut aussi se libérer à travers la sexualité et devenir l’individu que l’on a envie d’être. Je préfère toutefois parler d’amour que de sexualité. Je pense que quelqu’un qui n’arrive pas à nouer des relations d’amour est quelqu’un qui ne va pas bien. On le voit chez les jeunes chez qui la sexualité est en net recul. On parle d’ailleurs de génération anxieuse. N’oublions pas non plus qu’une femme sur quatre a subi des abus sexuels avant l’âge de 12 ans. Forcément, lorsque vous avez été abusée, vous éprouvez quelque chose de très négatif à l’égard des hommes.
Quelles lectures conseilleriez-vous aux lecteurs.rices de Zézette pour approfondir le sujet de la sexualité ?
Je pense notamment à L’écologie de l’amour de Gérard Leleu à qui l’on doit également le fameux Nouveau traité des caresses. J’observe cependant qu’en général les livres qui étudient la sexualité suscitent peu d’intérêt. On cherche avant tout à s’exciter, moins à apprendre. Quand on part en voyage dans un pays que l’on ne connaît pas, on a l’habitude d’acheter un guide. Ce qui est vrai avec les voyages ne l’est pas avec la sexualité. On n’achètera jamais de guide pour apprendre à connaître le corps de l’homme ou de la femme. Pour se reproduire, on n’a pas besoin d’être un bon amant ou une bonne maîtresse. Or, dans l’inconscient collectif, la sexualité reproductive occupe encore une large place. J’ai en mémoire ce témoignage d’un philosophe libertin qui me disait aimer le libertinage car on faisait l’amour d’abord avant de discuter. Et on discute vraiment lorsqu’on n’est plus dans un rapport de séduction.
Infos pratiques : “Brigitte Lahaie Sud Radio” est à écouter du lundi au vendredi en direct de 14 h à 16 h sur Sud Radio et en podcast sur sudradio.fr
Propos recueillis par Renaud Charles
A venir mardi 14 janvier : Mettez de la poésie dans vos sextos, ou l’art des “haïculs” : un atelier pour apprendre à écrire le désir
Que vous soyez un.e adepte des sextos ou que vous soyez encore vierge en la matière, réservez votre place pour vous initier à l'art sensuel des "haïculs" le 14 janvier à la Climate House à Paris (2e) à l’occasion du lancement de Zézette, 1er média indépendant 100 % consacré à la sexualité. Pendant 2 heures, en partenariat avec makesense, vous laisserez libre cours à votre imagination pour mettre vos désirs en mots en y insufflant de la poésie. En maîtresse de cérémonie, la poétesse Samuela Burzio, fondatrice de l’école de poésie ÉPOÉ, vous donnera les clefs pour composer votre propre grammaire érotique pour exprimer et tenter de susciter le désir.
Inscription gratuite dans la limite des places disponibles sur chiche.makesense.org
ÇA VA MIEUX EN EN PARLANT
Bigard avait bourré Bercy. A sa manière (toute autre) et avec la manière, Bérengère Krief a bourré pendant trois mois le théâtre de l’Oeuvre à Paris avec son spectacle "Sexe". A partir du 9 janvier, elle entame une tournée qui débutera à Tinqueux (ça ne s'invente pas) et s'achèvera à Saint-Grégoire en décembre. Un spectacle qui parle de sexe autrement et sans tabou et qui vous est hautement recommandé par la rédaction de Zézette. Plus d’infos sur Instagram
Mais pourquoi donc Zézette ?
Tout simplement (attention scoop…) parce qu’en 2025, il n’existe toujours pas de média consacré à la sexualité, et ce bien qu’il s’agisse de l’un des rares sujets au monde qui nous concerne tous. On trouve pourtant des journaux sur à peu près tout. Les camping-caristes ont ainsi leur magazine, Camping-car Magazine, depuis 1978, et les mostrophilistes (c’est comme cela que se font appeler les collectionneurs de montres) peuvent feuilleter Montres magazine depuis près de 30 ans.
Même si le sujet s’est fait une place dans les médias ces dernières années et que des voix de plus en en plus nombreuses se font entendre, la sexualité reste désespérément vierge de toute publication (en dehors des seules revues médicales qui lui sont consacrées...).
Puisque, dixit Oscar Wilde, « tout dans le monde est une question de sexe, sauf le sexe qui est une question de pouvoir », l'enjeu est de parvenir à parler sexualité sans honte comme de n’importe quel autre sujet. Car il s’agit bien d’explorer toutes ses facettes, notamment pour décortiquer les rapports de domination entre hommes et femmes.
C'est la raison d'être de Zézette, 1er média indépendant 100 % dédié à la sexualité avec pour but d’en faire un sujet de conversation que l’on ne se sent plus gêné d’aborder. Le principe : une newsletter envoyée au moins deux dimanches par mois, et plus si affinités…
Zézette, c’est aussi sur Instagram. Pour s’abonner, c’est ici