Comment rencontrer à l’heure du télétravail et sans aller sur Tinder ?

Et si la rencontre consistait avant tout en un état d’esprit, en cette capacité à se rendre disponible au monde qui nous entoure ? C’est la thèse du philosophe et romancier Charles Pépin dans son livre "La rencontre, une philosophie".

La question sonne comme un défi. Voire comme un gage. Comment donc espérer rencontrer quelqu’un.e en travaillant de chez soi et qui plus est en se tenant à l’écart des sites de rencontre ? En France, selon une étude de 2021, ceux-ci se hissent au premier rang des “lieux de rencontre”. Alors pourquoi donc vouloir s’en passer puisque justement c’est là que ça se passe ? Eh bien justement pour cette raison. Année après année, ces sites prennent de plus en plus de place dans la rencontre amoureuse. Jusqu’à la privatiser d’une certaine manière. Pour être certain de faire des rencontres, la solution serait donc de payer et de partager ses données à des sociétés privéedu s.

Un marché qui pèse aujourd’hui plusieurs milliards d'euros de chiffre d’affaires et qui n’a cessé de se diversifier depuis la création de Meetic en 2001. Un boom incroyable (2,3 millions de visiteurs quotidiens en 2023 en France dont 2/3 d’hommes) pour ces services de mise en relation alors que dans les années 1980, les agences matrimoniales et les petites annonces ne représentaient que 1 % des rencontres amoureuses, selon une étude menée à l’époque par les sociologues Michel Bozon et François Héran.

En un siècle, les entremetteurs ont changé de visage pour finalement ne plus en avoir du tout et être remplacés par les algorithmes. “Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le choix du conjoint est une affaire familiale et collective, impliquant des intérêts de reproduction, de survie de l’espèce et de logique patrimoniale où n’entraient que secondairement la volonté des intéressés”, rappelle la sociologue Catherine Lejealle dans une note sur l’évolution des lieux de rencontre du conjoint

Le bal en tête des lieux de rencontre

En 1959, lors d’une enquête menée par l’Institut national des études démographiques, alors que la France est encore massivement rurale, le bal figure en tête des lieux de rencontre devant les circonstances fortuites (mais qu’il faut considérer dans un cercle restreint) et le lieu de travail ou d’études. Soixante ans plus tard, selon le site Statista, les sites de rencontre figurent sur la troisième marche du podium derrière le travail et le cercle amical (vu cette fois de manière élargi). “L’évolution des lieux de rencontre s’inscrit dans les grandes évolutions sociétales : arrivée des femmes sur le marché du travail, libération sexuelle, arrivée de la contraception et surtout un individu qui se veut libéré des déterminismes sociaux et libre de choisir son métier et son conjoint, un individu acteur de son destin”, décrit Catherine Lejealle.

Mais, car il y a un mais, cette nouvelle façon d’envisager la vie, si “elle libère l’individu des réseaux et des déterminismes sociaux le laisse aussi seul, privé de ces relais d’interconnaissance, souligne Catherine Lejealle. Or l’individu n’aspire pas à rester seul. Il rêve toujours de trouver l’Autre, avec qui vivre libres et ensemble. L’évolution de la société (...) conduit à un brassage de populations qui ne se traduit pas nécessairement par des rencontres. On passe d’une situation où la difficulté est de se trouver et non de se choisir à une situation où la difficulté est d’oser s’aborder.” 

Être disponible à la rencontre, une philosophie

C’est à cela que le philosophe et romancier Charles Pépin apporte des réponses avec son “éloge de la disponibilité” qu’il dépeint dans son livre La rencontre, une philosophie. La première des choses, affirme-t-il, est de ne rien attendre de précis. "Ce n'est pas pour rencontrer les autres qu'il faut sortir de chez soi, mais pour se rendre disponible à la rencontre, poursuit-il. Des attentes trop précises risquent de nous faire manquer la rencontre d'une personne ne correspondant pas à nos critères, alors même que nous aurions pu vivre avec elle une belle histoire. Nous avons des attentes. Ces attentes initient le mouvement. Mais si elles agissent comme un moteur, elles peuvent aussi devenir des œillères nous empêchant de voir l’ensemble des possibles ou occasions qui constituent la chair du réel. D’une certaine manière, moins nos attentes seront précises, plus elles ouvriront le champ de notre vision, de notre rapport au monde et aux autres.”

Alors comment faire ? Déjà, bien sûr, sortir de chez soi pour forcer le destin et provoquer le hasard, ce qu’en philosophie on désigne par le terme de « contingence », c’est-à-dire ce qui est mais aurait pu ne pas être, et qui s’oppose à l’idée de nécessité ou de déterminisme nous dit Charles Pépin en donnant des exemples : “Je t’ai rencontré lors d’un cours de yoga ou lors d’un concert, mais j’aurais aussi bien pu ne pas te rencontrer. J’aurais pu m’inscrire à un autre cours ou être absent la seule fois où tu es venue. J’aurais pu ne pas me rendre à ce concert, m’en tenir à l’écoute de l’album, chez moi, nous n’aurions pas engagé cette conversation à l’entracte accoudés au bar…

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Zézette, le 1er média 100% dédié à la sexualité

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